Fiche CEF : Recherche sur l’embryon humain, renversement par la loi 2013

Recherche sur l’embryon humain

Fiche proposée par le groupe de travail « bioéthique », de la CEF  

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Eléments scientifiques et juridiques :

La mise en œuvre des techniques de fécondation in vitro conduit à la conception d’embryons hu­mains dont certains ne sont pas implantés dans l’utérus d’une femme en vue d’une naissance ; ils sont alors congelés et stockés : plus de 220 000 en France fin 2015[1]. La question de les utiliser pour la recherche s’est donc posée. Vis-à-vis du couple, les conditions de son nécessaire consentement sont précisées par la loi[2].

Les cellules souches. Depuis 1998, des « cellules souches » (cs) ont été identifiées dans l’embryon humain. À partir des cs embryonnaires, on peut potentiellement produire un nouvel organisme hu­main (cs dites « totipotentes ») ou tout type de tissu humain (cs dites « pluripotentes »). Les recherches sur ces cs embryonnaires se sont rapidement déve­loppées. À ce jour, les résultats escomptés ne sont pas réalisés sauf, de façon partielle, en matière car­diaque et ophtalmologique.

Il existe d’autres « cellules souches » dites adultes, en particulier celles qui viennent du sang de cordon ou du cordon ombilical lui-même[3]. Grâce à ces cs adultes, de nombreux traitements sont possibles (leucémies, brûlures, lésions).

Depuis 2007, des équipes scientifiques ont re­programmé des cellules adultes en cellules « pluripotentes » : ce sont les « cellules souches pluripotentes induites » (iPS).

 

La législation française. Elle est allée dans le sens d’une plus large possibilité de recherche. La loi du 29 juillet 1994, ayant inscrit « le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie » dans le Code civil (art. 16), disposait en conséquence l’inter­diction de toute recherche portant atteinte à l’intégrité de l’embryon humain. La loi du 6 août 2004 introdui­sit des dérogations temporaires à cette interdiction pour les embryons ne faisant plus l’objet d’un « pro­jet parental », en vue de « progrès thérapeutiques majeurs » et « à condition de ne pouvoir être pour­suivi par une méthode alternative d’efficacité compa­rable ». La loi du 7 juillet 2011 a élargi les dérogations en remplaçant la finalité « thérapeutique » par une finalité « médicale », tout en demandant de favoriser des recherches alternatives à celles sur l’embryon[4].

Un renversement fut introduit par la loi du 6 août 2013 : elle a supprimé « l’expression formelle du prin­cipe d’interdiction des recherches sur l’embryon[5]», pour le remplacer par un régime d’autorisation sous conditions, ainsi que l’obligation de favoriser des re­cherches alternatives. Enfin, la loi « de modernisa­tion de notre système de santé » du 26 janvier 2016 autorise, dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation, les recherches sur les gamètes destinés à constituer un embryon humain ou sur l’embryon humain in vitro avant ou après son transfert à des fins de gestation, si chaque membre du couple y consent (art. 155). Elles sont alors conduites confor­mément aux recherches impliquant la personne hu­maine : prudence, consentement et gratuité[6].

La « Convention d’Oviedo », ratifiée par la France, stipule : « 1. Lorsque la recherche sur les embryons in vitro est admise par la loi, celle-ci assure une protection adéquate de l’embryon. 2. La constitu­tion d’embryons humains aux fins de recherche est interdite. » (art. 18).

 Questions anthropologiques et éthiques

Un principe simple guide la réflexion éthique : « La recherche médicale doit s’abstenir d’interventions sur les embryons vivants, à moins qu’il n’y ait certi­tude morale de ne causer de dommage ni à la vie ni à l’intégrité de l’enfant à naître et de sa mère, et à condition que les parents aient donné pour l’in­tervention sur l’embryon leur consentement libre et informé[7]. »

Selon le CCNE, il est question de poursuivre les re­cherches sur les embryons humains et les cellules souches embryonnaires humaines, notamment par le « maintien en culture in vitro d’un embryon préimplantatoire humain[8] ». Or, depuis la fusion des gamètes, l’embryon humain se développe se­lon un processus graduel, continu et coordonné. Dès le début, il est un « nouvel individu humain » à part entière qui « doit être respecté comme une personne[9]».

Le CCNE a défini l’embryon humain comme « per­sonne humaine potentielle[10] ». L’expression semble indiquer qu’il lui manquerait des éléments pour at­teindre la pleine stature de « personne humaine ». Elle peut être plus justement comprise comme reconnaissant une « personne en devenir » : une personne dont les potentialités physiques, intellec­tuelles, affectives et spirituelles se déploieront si elle est accueillie dans sa grande vulnérabilité et si aucun obstacle n’est mis à son développement.

Si l’embryon humain a besoin d’un « projet paren­tal » pour se développer, ce n’est pas ce projet qui lui accorde un statut personnel : « La réalité de l’être humain, tout au long de son existence, avant et après sa naissance, ne permet d’affirmer ni un changement de nature ni une gradation de la va­leur morale, car il possède une pleine qualification anthropologique et éthique. L’embryon humain a donc, dès le commencement, la dignité propre à la personne. » On ne peut donc pas distinguer un sta­tut pré-implantatoire et un statut différent de l’em­bryon implanté. Il est un « corps embryonnaire[11] ».

La recherche tant sur l’embryon que sur les cellules souches embryonnaires, dans la mesure où elle im­plique la destruction d’embryons humains, consi­dérés et utilisés alors « comme un simple « matériel biologique »[12] », représentent une grave transgres­sion éthique car elles atteignent un être humain dont l’extrême vulnérabilité tend à masquer sa dignité. L’instrumentalisation d’un être humain ne peut jamais se justifier, même en vue d’une finalité thérapeutique espérée. Et moins encore pour ali­menter la recherche fondamentale, par exemple en vue d’améliorer les résultats de l’AMP. Les débats et le droit ont toujours exprimé, avec embarras, le res­pect dû à l’embryon humain, quitte à organiser des exceptions à ce respect, souvent en vue de pouvoir faire des recherches.

La transgression éthique se justifie d’autant moins que les recherches sur les cellules souches qu’elles soient adultes, issues du cordon, ou pluripotentes induites, ne se heurtent à aucune objection éthique majeure. Il faudrait les encourager plus fortement car elles favorisent la thérapie cellulaire. À condi­tion d’en ouvrir solidairement le bénéfice, en évi­tant une gestion purement privée des banques de cellules, qui seraient réservées à des patients fortu­nés ou aux pays mieux lotis[13].

La recherche sur l’embryon humain lui-même est à promouvoir pourvu qu’elle respecte son intégri­té et qu’elle ait pour finalité un meilleur diagnostic en vue de le soigner tout en permettant son déve­loppement jusqu’à la naissance. L’Église encourage « la science comme un précieux service pour le bien intégral de la vie et pour la dignité de chaque être humain » (Dignitas personae, n° 3).

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[1] Cf. Rapport médical et scientifique de l’Agence de biomédecine 2016. Les recherches sur l’embryon et sur les cellules énumérées dans la fiche sont soumises à un rapport annuel rendu public ; Code de la Santé Publique, art. L. 1418-1-1.

[2] Voir J.-R. Binet, Droit de la bioéthique, LGDJ, 2017, p. 298-299.

[3] La première greffe mondiale de cellules souches issues du sang de cordon a été réalisée en France en 1988 par Éliane Gluckman. Voir CCNE, Avis n. 117 du 23 février 2012.

[4] La loi a prévu une clause de conscience pour les chercheurs ne souhaitant pas travailler sur les embryons humains ni sur leurs cellules souches. Notons que la question du statut juridique de l’embryon humain demeure en suspens : voir Aude Mirkovic, « Statut de l’embryon : la question interdite », La Semaine juridique (JCP), G, 2010.

5 J.-R. Binet, op. cit., p. 293. A été supprimé « le principe explicite d’interdiction qui traduisait […] l’essentiel devoir de respect de l’être humain dès le commencement de la vie », in ibid., p. 54.

[6] Cf. J.-R. Binet, op. cit., p. 278-289.

[7] Congrégation pour la Doctrine de la foi, Instruction Donum Vitae, 22 février 1987, I,4.

[8] Cf. CCNE, Dossier de presse, « Les thèmes des États généraux », fiche n. 2, 18 janvier 2018.

[9] Voir, Donum Vitae, I,1. Selon deux objections, la présence d’un individu humain dans le zygote est niée : les jumeaux monozygotes et les fausses couches naturelles. À ce sujet, voir Pascal Ide, Le zygote est-il une personne humaine ?, Téqui, 2004, ch. 7 ; Vincent Bourget, L’être en gestation, Presses de la Renaissance, 1999.

[10] Avis n. 1 du 22.05.1984. Voir aussi les discussions dans deux Avis : n. 8 du 15.12.1986 et n. 112 du 21.10.2010.

[11] Congrégation pour la Doctrine de la foi, Instruction Dignitas Personae, 8 Septembre 2008, n. 5 et 4. Voir Alain Mattheeuws, « Le « corps embryonnaire ». Une avancée de Dignitas personae », NRT, 134/n. 4, 2012, pp. 606-627.

[12] Ibid., n. 19. Voir Mgr P. d’Ornellas et alii, Bioéthique. Questions pour un discernement, Lethielleux/DDB, 2009, ch. 2.

[13] L’Église « exprime le voeu que les fruits de cette recherche soient rendus disponibles même dans les zones pauvres et dans celles qui sont touchées par la maladie », in Dignitas personae, n. 3.

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