Euthanasier, c’est tuer et la mort n’est pas un droit

euthanasier c’est tuer,  et la mort n’est pas un droit


A Monsieur Touraine et 156 députés en réponse à la tribune : « Pour une liberté républicaine : le choix de sa fin de vie »  par Odile Guinnepain, infirmière, responsable de l’antenne « Nos Mains ne tueront pas » de Choisir la Vie  ( le 09/03/2018)  

Professionnels de santé (médecins, infirmières) expérimentés en soins palliatifs dans des USP mais aussi en gériatrie ou à domicile, lieux où il n’est pas toujours simple d’avoir accès aux soins palliatifs, nous avons pris connaissance de votre tribune.. Soignant quotidiennement des malades en fin de vie, nous n’expérimentons absolument pas dans notre pratique la réalité que vous revendiquez.

 Parlons en premier lieu du sondage IFOP/La Croix de janvier dernier, interrogeant les français sur la fin de vie. Le chiffre annoncé de 89 % des personnes interrogées qui seraient soi-disant favorables à la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté est faux ! ( *)  (….)
 Je vous propose donc, Monsieur le député, de revenir plutôt au réel en nous basant, par exemple, sur l’étude publiée en novembre 2012 par l’Observatoire National de la Fin de Vie (ONFV) sur « les décisions médicales en fin de vie en France ». Cette étude, résultant d’une enquête menée auprès de 4723 malades se sachant incurables, conclut  (que)  « les décisions d’euthanasie –«mettre fin à la vie d’une personne malade à sa demande »- quelles qu’elles soient seraient peu fréquentes (1/3 en cas d’administration de médicament)..  0,6 % du total des décès relèvent de ces décisions , dont 0,2 % (94) sont pratiqués en administrant délibérément une substance pour mettre fin à la vie ».» Cette étude particulièrement intéressante car menée auprès de personnes réellement concernées révèle que moins de 0,2 % des personnes demandent à être euthanasiées délibérément. On est loin des 89 % cités plus haut ! 
Le sondage souligne une dérive euthanasique pratiquée à l’initiative de soignants ou à la demande des familles sans même que le patient en soit informé.(1/5è sont prises à la demande des patients ): ce qu’aucun « encadrement législatif » ne saura contrôler  C’est toute la question des lois érigées au profit de minorités considérées dans un premier temps comme des exceptions, mais aux graves conséquences sur la majorité.
Enfin, une autre étude, menée entre juin 2011 et janvier 2018 dans une EHPAD de l’Indre, présentée, au congrès national de la SFAP le 24 juin 2017 à Tours … démontre qu’en apportant confort, soulagement de la douleur, apaisement des souffrances psychologiques, spirituelles, sociales tout au long des semaines, des jours ou des heures qui ont précédé leur mort, aucun résident ni aucun membre de leurs familles ne demande, alors, une aide à mourir, « à en finir » ou à être euthanasiéIl n’a même pas été nécessaire d’hypermédicaliser leur fin de vie 
 Concernant cette question de la dignité, rappelons-nous le préambule de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 :  La dignité est «inhérente » à notre qualité d’être humain. En ce sens, nous sommes tous des êtres dignes de nature, en dehors de toute condition physique, psychiatrique, etc.…Lorsqu’on revendique le « droit à mourir dans la dignité », il est bon de rappeler que nous mourrons tous dans la dignité, la cause et les circonstances de notre mort (maladie, accident etc.) ne l’entachant en rien. …Par expérience, le sentiment d’indignité est une réalité que nous n’entendons jamais en soins palliatifs.
Enfin, Je voudrais reprendre deux propos de votre tribune pour conclure :
           – Vous dites « on ne meurt pas bien en France !». Ce … slogan, sans aucune explication, est une injure aux dizaines de milliers de professionnels de santé médicaux et paramédicaux qui se battent chaque jour pour soigner au mieux (dans des conditions souvent déplorables !) les patients qu’ils accompagnent. Au lieu de porter un doigt accusateur, rechercher coûte que coûte des coupables (habitude de notre époque !), donnez plutôt aux professionnels de santé les moyens qu’il faut pour soigner. Et pour votre information, ce n’est pas parce qu’on va tuer tous ceux « qui ne meurent pas bien en France » qu’on mourra mieux.  … et rien ne démontre que ceux qui, croyant bien mourir, se sont fait euthanasier, sont réellement morts plus confortablement et plus paisiblement. 
         – Second slogan propos : « Il n’est plus raisonnable d’attendre davantage, d’observer sans réagir les souffrances physiques et psychologiques de nombre de ces Français, de compter les affaires judiciaires qui se multiplient mais n’aboutissent à rien, car on ne peut pas condamner la compassion et la solidarité ».  Messieurs les députés,  (venez) passer ne serait-ce qu’une journée dans des USP, des EHPAD, des EMSP, des services de soins à domicile, avec des professionnels de santé et voir comment ils s’y prennent pour « observer sans réagir les souffrances physiques et psychologiques… ». Quelle honte de tenir des propos pareils !  Depuis 2003, moins de 15 affaires ont fait la une des journaux pour environ 550000 morts par an en France, drames très exceptionnels, qui ne reflètent absolument pas la réalité. 
Enfin, vous omettez de parler des  medecins prescrivant aux infirmières l’injection, aides soignantes assistantes: si une loi légalise l’euthanasie… ont-ils, dans votre raisonnement idéologique, le droit de donner leur avis [seront ils condamnés comme pour l’IVG à obéir au commandement de tuer]?Jusqu’à preuve du contraire, euthanasier c’est tuer et la mort n’est pas un droit, alors, « Ne nous imposez pas de faire à un autre ce que nous ne voudrions pas qu’il nous soit fait! »
Ainsi, permettez que je conclue par la première page du livre de Mme Anne Bert que vous citez  qui rappelle l’article 6 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen : « La liberté est le pouvoir qui appartient à l’homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui : elle a pour principe la nature ; pour règle la justice ; pour sauvegarde la loi ; sa limite morale est dans cette maxime : Ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qu’il te soit fait »  

(*) ce sondage a été mené auprès de personnes en bonne santé ; de ce fait, les chiffres sont erronés, l’expérience démontrant qu’il est particulièrement difficile d’imaginer, lorsque nous sommes en pleine forme, ce que nous souhaiterions le jour où nous serons gravement malades ou âgés. En fait  quant à la légalisation  de l’euthanasie et du suicide assisté, moins de 1/4 des français qui y serait favorable ( 47% des français en pleine forme seraient favorable à la légalisation de l’euthanasie seule et 18 % au suicide assisté.)

2 Commentaires

  1. Jusqu'à preuve du contraire, euthanasier c'est tuer, et la mort n'est pas un droit, alors, « Ne nous imposez pas de faire à un autre ce que nous ne voudrions pas qu'il nous soit fait! » Je souscris complètement …Même les temps de "coma profond" sont des temps utiles pour l'âme…Qui peut se permettre d'en juger pour autrui ? !!!

  2. un tres bon lien qui permet de comprendre rapidement l'historique de la Loi fin de vie , la situation et le contexte Loi Bioethique de l'intervention ci-dessus de Choisirlavie : http://www.vie-publique.fr/actualite/dossier/etats-generaux-2018/bioethique-quelle-prise-charge-fin-vie.html

    vous y trouverez aussi :
    Sur la toile publique
    Loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs,
    Loi de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé,
    Loi n° 2005-370 du 22 avril 20 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie – Panorama des lois, site Vie publique,
    Loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie – Panorama des lois, site Vie publique,
    Chronologie du développement des soins palliatifs (1973-2011),
    Rapport sur la proposition de loi relative à l’euthanasie et au suicide assisté pour une fin de vie digne – Caroline Fiat, Assemblée nationale, janv. 2018
    Prise en charge de la fin de vie – Consultation dans le cadre des Etats généraux de la bioéthique,
    Tribune cosignée par 156 députés sur le droit de choisir sa fin de vie, parue dans Le Monde du 28 février 2018 – Site du député du Rhône Jean-Louis Touraine, à l’initiative de cette tribune ,

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